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ENVIRONNEMENT / L’agriculture urbaine gagne du terrain à Paris

ENVIRONNEMENT / L’agriculture urbaine gagne du terrain à Paris

De Singapour à Seattle, en passant par Toronto où tout nouvel immeuble du secteur public doit déjà être rendu cultivable, l’agriculture est rentrée dans la ville. Oxygénation environnementale et sociale, réappropriation de l’espace public, sécurité et autosuffisance alimentaire.
Texte : Anne-Laure Murier - Photos : Stéphane Gautier
De Singapour à Seattle, en passant par Toronto où tout nouvel immeuble du secteur public doit déjà être rendu cultivable, l’agriculture est rentrée dans la ville. Oxygénation environnementale et sociale, réappropriation de l’espace public, sécurité et autosuffisance alimentaire. A son tour, Paris passe au vert et, renouant avec ses racines révolutionnaires, expérimente tous azimuts ! Ironie de l’histoire, cette transition écologique est un retour aux sources…

Au Terroir Parisien, le chef étoilé peut se mettre à table. Choux de Pontoise, salades maraîchères, tomates juteuses ou pissenlits goûteux, Yannick Alléno les cueille sur le 9e étage de la Maison de la Mutualité, à coeur et en plein coeur de la capitale : promesse de l’appellation tenue. L’ingénieur Nicolas Bel en est à l’origine. Co-fondateur de l’association Potager sur les toits, ce spécialiste de l’agriculture urbaine croît aux potentialités de la ville, résilience comprise. A quelques rues de là, dans le même quartier latin, son expérimentation sur les hauteurs de l’école AgroParisTech le confirme. Son système de bacs en « lasagnes », superposant terreau, compost de déchets recyclés et billes d’argiles, livre non seulement des légumes savoureux, délestés de la pollution automobile, mais bine le bien-fondé des circuits courts, gagnants sur toute la ligne : à la faveur de transports réduits, les cultures optimisent leur bilan environnemental, tout en s’ouvrant à une diversité d’espèces, aussi fragiles que gustatives. Une pousse isolée ? Foin. Potagers, pelouse, nichoirs, ruches : évaluée à 320 hectares, cette cinquième façade de la ville commence à être squattée tous azimuts…

Depuis quelques années, c’est une génération spontanée d’initiatives qui verdit Paris. Une révolution citoyenne, hybridée par les pouvoirs publics. Éclos il y a dix ans, les jardins partagés essaiment leur bouture dans la moindre friche, pendant que les jardins familiaux, autrefois cantonnés aux banlieues ouvrières, ont passé le périphérique et acquis droit de cité au pied d’immeubles HLM. Alors que les abeilles prennent de la hauteur, invitées même aux balcons, des poules jouent les coqs gaulois dans les arrière-cours. Le fret crie lui aussi à l’abordage écologique, de la Seine au canal de l’Ourq. Cette composition bucolique gagne les espaces verts, sevrés d’engrais chimiques, plantés de fleurs sauvages, tondus par des moutons, entretenus grâce à des chevaux qui tractent les grumes et amendent les massifs de leur fumier. De parterre en coin de bitume fleurissent des jardinières éphémères, où s’invitent parfois des primeurs … avec un cri du coeur, planté par le mouvement bénévole et partageur des Incroyables comestibles : « mangez moi, c’est gratuit ! ».

Toutes les idées étant à fertiliser, la Ville de Paris a reconduit en 2014 son appel à projets de végétalisations innovantes, après une première moisson qui a porté ses fruits. Loin des fermes urbaines futuristes, les entreprises et associations sèment le bon sens près de chez elles, avec une vocation aussi environnementale que sociale. Dans des containers mobiles , des pleurotes se nourrissent au marc de café et créent des emplois ; à l’air libre d’une friche et sous serre, une coopérative maraichère s’épanouira bientôt grâce aux invendus des marchés et déchets d’élagage… En germe, une transition écologique durable, aussi douce qu’urgente.